Le Grand Port Maritime de Dunkerque, troisième port national, constitue une infrastructure structurante pour le Nord, les Hauts-de-France, et la moitié nord de la France. Il est un facteur d’attractivité économique et de création d’emplois pour le territoire, comme le montrent les annonces régulières de nouveaux projets industriels dans le Dunkerquois. Il sera aussi demain un outil majeur pour le développement des énergies vertes, en particulier l’éolien en mer et l’hydrogène vert.
Dans le même temps, le port est une source de désagréments quotidiens pour les riverains, de pollutions locales, et de risques environnementaux, auxquels s’ajoute l’impact cumulé de l’ensemble du complexe industrialo-portuaire. Tout développement du Grand Port Maritime de Dunkerque devrait donc faire l’objet d’une analyse détaillée des impacts économiques et environnementaux et d’une recherche de compromis avec l’ensemble des acteurs du territoire : nous devons consolider les atouts économiques et énergétiques liés au port, tout en l’intégrant mieux dans la ville et en minimisant son impact environnemental.
Il est donc impensable qu’un projet d’infrastructure aussi important que l’agrandissement du port pour permettre le doublement de la capacité d’accueil de porte-conteneurs puisse être poursuivi alors même que l’Autorité environnementale a qualifié l’étude d’impact réalisée “d’une qualité médiocre”, souligne de nombreuses mésinterprétations de la réglementation, et conclut que “le projet ne semble pas compatible avec plusieurs obligations législatives et réglementaires”.
Sur le fond, le projet d’agrandissement du bassin de l’Atlantique du Grand Port Maritime de Dunkerque et d’extension des infrastructures de desserte ferroviaires et routières pose d’importantes questions quant à la stratégie industrielle dans laquelle il s’inscrit et à l’impact environnemental du projet.
Pertinence du projet d’agrandissement du GPMD
Le projet d’extension, qui, comme le rappelle le dossier de l’enquête publique, remonte aux années 1960, se base sur la projection d’un doublement du trafic maritime à l’échelle mondiale d’ici 2035. Cette projection ne prend pas en compte l’impact des phénomènes de relocalisation des activités économiques qui se sont enclenchés à la suite des disruptions qu’ont connues les chaînes logistiques internationales au moment de la crise de la COVID19 et ensuite de la guerre en Ukraine. Elle ne prend pas non plus en compte l’impératif de décarboner le transport maritime : l’Organisation Maritime Internationale a récemment adopté un objectif zéro émissions de carbone d’ici 2050. Le remplacement de l’usage du mazout lourd par des carburants verts impliquera un renchérissement des coûts du transport maritime (de l’ordre de +100%), qui pourrait provoquer un ralentissement du trafic.
Nous pouvons partager certains des objectifs de l’extension du port, en particulier ceux de renforcer la compétitivité du territoire par l’amélioration des qualités de l’offre logistique et de dévier vers Dunkerque des flux de marchandises qui circulent présentement par les ports néerlandais et belges afin de réduire le transport routier transfrontalier qui encombre les axes du Nord-Pas-de-Calais avec un impact important pour les automobilistes et les riverains. Toutefois, la question sous-jacente de la spécialisation et de la compétitivité du GPMD vis-à-vis des autres ports de l’arc nord-ouest de l’Europe, en particulier celui du Havre, reste irrésolue. Il serait aussi possible d’envisager des solutions alternatives pour diminuer le trafic sur les axes autoroutiers de notre région et renforcer son positionnement comme carrefour des échanges au nord-ouest de l’Europe : nous appelons ainsi de nos vœux un renforcement du transport logistique ferroviaire et fluvial ainsi qu’une accélération de l’électrification du transport routier restant, tant au niveau européen qu’au niveau national.
Enfin, le projet d’agrandissement se focalise sur le doublement des capacités d’accueil de porte-conteneurs. Alors que les grands ports internationaux, au rang desquels Rotterdam, Singapour ou Los Angeles, sont aujourd’hui leaders en matière de décarbonation du transport maritime et de transition écologique de leurs complexes industrialo-portuaires, le projet du GPMD reste curieusement silencieux sur les infrastructures portuaires qui seront nécessaires à l’électrification des activités portuaires, à la croissance de l’usage des carburants verts (ammoniac ou méthanol), au développement de l’éolien en mer, et au développement de la production et du transport d’hydrogène vert.
Nous encourageons donc le GPMD à reconsidérer différents scénarios quant à la croissance du transport maritime en Europe et des flux dans le port de Dunkerque avant toute décision sur le projet d’agrandissement.
Impact environnemental du projet d’agrandissement du GPMD
Comme l’a souligné l’avis de l’Autorité environnementale, le projet CAP2020 prévoit l’artificialisation de surfaces agricoles et naturelles considérables, sur site ainsi que pour la gestion des déblais. Il implique la destruction de surfaces importantes de zones humides et la fragilisation des milieux marins en immédiate proximité du port. Ces développements, dans un territoire qui est déjà fortement artificialisé, n’est cohérent ni avec l’objectif de zéro artificialisation nette des sols fixé par le gouvernement, ni avec l’impératif de protection de la biodiversité et des milieux naturels. L’Autorité environnementale constate en outre que l’étude d’impact sous-estime fortement les besoins de compensation pour les milieux naturels. Elle dénonce aussi les insuffisances et les risques du projet en matière de gestion des eaux souterraines et superficielles, ainsi que les nuisances engendrées sur les fonctionnalités physiques et biologiques des milieux marins. Avec un projet d’une telle dimension, nous nous interrogeons sur les impacts du dragage, présenté comme indispensable à la sécurité de la navigation, et de l’immersion des boues, qui en sont issues. Ces boues (60 millions de tonnes par an en France), contenant de nombreuses substances nuisibles à la flore et la faune marine, extraites dans les fonds des ports de commerce sont immergées dans les mers et océans, recouvrent et polluent les fonds marins de manière souvent invisible.
Par ailleurs, alors que l’érosion du trait de côte est aujourd’hui une réalité dans le Nord-Pas-de-Calais et que les experts du climat projettent une hausse du niveau moyen des océans de 60cm à 1m, voir même 2m dans les scénarios les plus pessimistes, d’ici la fin du siècle, nous nous interrogeons sur l’adaptabilité des infrastructures portuaires existantes et a fortiori des infrastructures portuaires nouvelles envisagées face aux risques croissants de submersion dans le Dunkerquois.
Enfin, alors que l’un des objectifs affichés du projet est de réduire le trafic autoroutier et son cortège de pollutions atmosphériques et sonores et d’émissions de gaz à effet de serre sur les grands axes frontaliers du Nord, l’agrandissement des capacités d’accueil du port entraînerait une augmentation de ce même trafic routier, cette fois autour du port de Dunkerque et sur les axes le desservant, déplaçant le problème plutôt qu’il ne le solutionne. Comme l’Autorité environnementale, nous souhaitons voir le GPMD proposer un projet bien plus ambitieux quant à la réduction de l’impact environnemental de la chaîne logistique autour du port de Dunkerque, mettant l’accent sur le report modal vers le ferroviaire et le fluvial et sur l’électrification du trafic routier restant.
La région des Hauts-de-France a besoin d’un complexe industrialo-portuaire compétitif, prêt à s’adapter au changement climatique et à accompagner la transition énergétique du territoire. Malheureusement, le projet CAP2020 d’agrandissement du Grand Port Maritime de Dunkerque ne répond pas à ces enjeux stratégiques. Il a aussi visiblement été mal conçu, au vu de l’avis négatif tranché de l’Autorité environnementale. Nous nous prononçons donc fermement contre la poursuite de ce projet en l’état et invitons le GPMD à réengager le dialogue avec les acteurs du territoire sur la manière de renforcer et décarboner le complexe industrialo-portuaire de Dunkerque tout en intégrant mieux le port à la ville.
Le Bureau Exécutif Régional Europe Ecologie Les Verts Nord-Pas-de-Calais et le groupe local Europe Ecologie Les Verts Flandre Maritime
Les conseillers régionaux et conseillères régionales écologistes Hauts-de-France : Karima DELLI, Marine TONDELIER, Benjamin LUCAS, Thomas HUTIN, Gil METTAI, Nicolas RICHARD, Katy VUYLSTEKER, Alexandre COUSIN, Yannick BROHARD
Les conseillers départementaux et conseillères départementales écologistes du Nord : Stéphanie BOCQUET, Laurent PERRIN, Anne MIKOLAJCZAK, Mael GUIZIOU, Céline SCAVENNEC, Simon JAMELIN