Contribution écologiste à l’enquête publique Eqiom à Lumbres

la phase de concertation préalable est terminée pour Eqiom à Lumbres. L’enquête publique s’achevait aujourd’hui.

Les conseiller·es régionaux·ales EELV conjointement avec le mouvement régional ont réaffirmé leur position en l’enrichissant à l’éclairage de la poursuite de la concertation qu’iels ont suivie.


Contribution des élu.e.s écologistes des Hauts-de-France et d’Europe Ecologie Les Verts Nord-Pas-de-Calais

24 mai 2023

Après une première contribution en juin 2022 et alors que démarre la concertation préalable pour Cap décarbonation, les élu·es écologistes des Hauts-de-France et Europe Ecologie Les Verts Nord-Pas-Calais réaffirment leur position dans le cadre de la concertation continue du Projet K6 concernant la modernisation de la cimenterie Eqiom de Lumbres.

Ce projet s’inscrit dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) en tentant de répondre à l’obligation, pour les industriels, d’adapter leur outil de production. Pour cela, Eqiom entend moderniser ses pratiques en substituant une part de sa consommation d’énergies fossiles par des déchets, et en construisant un four capable de séquestrer le CO2 émis par sa cheminée pour l’enfouir en profondeur en mer du Nord. Si cela peut sembler répondre aux enjeux de la transition écologique en proposant un béton dit “ bas carbone ”, cette innovation ne répond hélas pas aux impératifs de sobriété permettant de lutter efficacement contre le dérèglement climatique et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Il s’inscrit plutôt dans une Troisième révolution industrielle (REV3) de façade, celle des mots, plus que des actes. Surtout, il est prétexte à une augmentation très importante de la production alors que l’industrie cimentière est responsable à elle seule de plus de 2% des émissions de gaz à effet de serre en France.

En effet, l’entreprise prévoit à la suite de ces travaux, une augmentation de la production de clinker (matériau essentiel à la fabrication du béton) de plus de 60% passant de 650 000 tonnes par an aujourd’hui à 1,1 million de tonnes après travaux. La substitution des énergies fossiles par des déchets dans le processus de production ne réduira pas significativement les émissions de CO2 par tonne de clinker et la pollution de l’air autour du site. Et la mise en place des dispositifs de capture du CO2 est prévue dans un second temps uniquement, et semble entourée de nombreuses incertitudes quant à la faisabilité technique et économique du projet. Le bilan resterait donc négatif en termes d’émissions nettes pendant plusieurs années. 

A l’heure où nous devons atteindre le « zéro artificialisation nette », nous nous interrogeons sur l’intérêt de porter un projet comme celui-ci. Chacun en conviendra : on ne peut guère vouloir atteindre l’objectif de “zéro artificialisation nette” des sols en 2050 et, en même temps, vouloir produire plus de clinker. Cette question du calendrier est essentielle car le premier objectif intermédiaire de réduction a été fixé : il s’agit de réduire de moitié le rythme de la consommation d’espaces dans les 10 prochaines années. Pour cela, L’Assemblée examinera une proposition de loi sénatoriale sur le ZAN à partir du 12 juin 2023. Dans ce contexte, il n’est absolument pas pertinent de produire plus de ciment qu’aujourd’hui. 

Certes, la densification des zones déjà artificialisées peut induire l’utilisation de ciment, mais d’autres matériaux biosourcés doivent pallier le “tout-béton”.  Ainsi l’usage du bois peut être développé (tant qu’il reste issu de forêts locales gérées durablement), et celui du béton de lin, de chanvre ou de colza, du textile recyclé, des filières porteuses déjà soutenues par la Région et l’État, doivent être massivement déployés dans tous les projets régionaux partie prenante de l’aménagement de demain. Les écologistes proposent un déploiement d’alternatives au « tout-béton » par un plan de développement des matériaux biosourcés et la création d’un fonds régional de soutien aux mutations et à l’innovation industrielle.

De plus, l’augmentation significative de la production entraînera un ballet routier deux fois plus important et donc une augmentation significative des nuisances pour les riverains et de la production de GES et des particules fines aux abords de l’entreprise. À cela s’ajoute, comme le pointe la Mission Régionale d’Autorité Environnementale (MRAE), des rejets à teneur élevée en dioxines et oxydes d’azote ; or, à ce stade, les mesures pour limiter ces rejets afin de rester sous les seuils acceptables pour la santé ne sont pas du tout détaillées.

Ainsi, toutes ces informations doivent nous obliger à une vigilance accrue de la qualité de l’air. Nous avertissons sur la nécessité de mettre en place des analyses précises de la qualité de l’air avant, pendant et après les travaux de modernisation. 

En résumé, on voit mal comment un tel projet pourra répondre aux exigences posées par la ministre Elisabeth Borne le 22 mai 2023 lors d’une réunion du Conseil national de transition écologique (CNTE) qui a fixé, pour 2030, un objectif de diminution des émissions de 24 millions de tonnes équivalent CO2 pour les sites industriels importants.

Concernant les risques sanitaires, la question du bruit est régulièrement évoquée par les riverains. Cela concerne l’activité de la cimenterie aux abords directs comme dans les environs plus éloignés (il semble en effet que les bruits de la cimenterie, à cause de phénomènes topographiques et de vents dominants génèrent des nuisances plus importantes à distances qu’à proximité immédiate des installations). Cela concerne également le va-et-vient des camions et les opérations de chargements et déchargements. Pour rappel, la pollution sonore est extrêmement nocive pour la santé et engendre chaque année en France la perte de 694 000 années de vie en bonne santé et ce en raison des morbidités générées par le bruit.

Concernant l’impact local du projet, si des aménagements pour améliorer son intégration paysagère ont été présentés et débattus lors d’un atelier, il ne s’agit à ce stade que de simples options et aucun engagement n’est pris. Les porteurs du projet doivent pourtant s’engager sur cette question. De même, la charge financière de l’aménagement des abords du projet ne peut pas être laissée entièrement aux collectivités.  À ce sujet, il nous semble important de rappeler que la cimenterie se trouve en cœur de ville, dans une territoire qui accueille des visiteurs attirés par un tourisme vert et que la parcelle se situe aux abords de l’Office du tourisme de Lumbres. Traiter ces questions est donc à la fois un enjeu de bien vivre des riverains et de protection du tissu économique local et pourrait s’inscrire dans une démarche de mise en cohérence avec la charte du Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale.

Concernant les compensations d’impact du projet sur les milieux, le flou est total. La MRAE a pourtant détaillé une cartographie et un inventaire complet du site. Des inventaires naturalistes réalisés entre mars 2021 et mai 2022 ont révélé, pour la flore, la présence de 178 espèces dont deux sont protégées au niveau régional, l’Orchis de Fuchs et l’Ophrys abeille, ainsi que deux autres menacées, la Gesse aphylle et l’Orchis pyramidal. Pour la faune, ils ont permis d’identifier la présence de deux espèces d’amphibiens protégées (Grenouille rousse et Crapaud commun), de 35 espèces d’oiseaux, dont 27 protégées, de 27 espèces d’insectes, de 19 papillons dont deux espèces menacées, (Argus frêle et la Bande noire), de 8 espèces de libellules , de 6 espèces de mammifères et de 5 espèces de chauves-souris, toutes protégées (Pipistrelle commune, Murin d’Alcathoe, Pipistrelle de Nathusius, Murin à oreilles échancrées et Sérotine commune). Concernant la cartographie de l’aire d’étude, une partie a été omise. Une correction doit y être apportée. De même, les fonctionnalités écologiques du site et la question des ressources en eau sont centrales. Les quelques mesures présentées pour répondre à la menace sur le milieu ne suffisent pas à réduire l’impact et parmi elles, le boisement de milieux ouverts calcicoles vient détruire un milieu à enjeu écologique supérieur à celui dont il est censé compenser la destruction. Plutôt que des mesures de réductions, ce sont des mesures de compensation qui sont présentées. La copie est donc à revoir et les dispositifs à renforcer alors que les nuisances engendrées sur le site sont nombreuses. 

Ainsi, comme l’Autorité environnementale, nous demandons de compléter l’étude d’impact par une analyse de la remise en état du site à l’issue de son fonctionnement et par des informations sur le devenir des fours appelés à être remplacés par le nouveau four du projet.

Enfin,  lors des différentes réunions publiques de concertation et visites, il est à regretter le très faible nombre de participants. Seulement 65 personnes pour la réunion publique et un nombre de places très réduites pour les ateliers (20 personnes) et pour les visites du site (24 personnes) qui étaient exclusivement proposées les matins en semaine. Cela doit interroger les porteurs de projet comme le garant de la concertation et pousser à des aménagements pour favoriser la participation en proposant des formats d’atelier permettant d’accueillir plus de monde et programmant des rencontres sur des créneaux qui permettent la plus large participation. 

En l’état, les Conseiller.e.s régionaux.les EELV des Hauts-de-France et les militant.e.s EELV Nord Pas-de-Calais émettent de nombreuses réserves sur le projet et portent sur celui-ci un avis défavorable.

Katy Vuylsteker, Marine Tondelier et Alexandre Cousin

Conseiller.e.s régionaux.ales EELV des Hauts-de-France

Karima Chouia et Emilie Ducourant

Porte-paroles EELV Nord-Pas-de-Calais